L’homme invente, le karen chante

Posted on Avr 1, 2020
L’homme invente, le karen chante

Ils ont beau être enfouis dans l’épaisse forêt des montagnes thaïlandaises, les villages Karens sont à leur tour chamboulés par le coronavirus. Si pour le moment aucun cas ne s’y est manifesté, vigilance et prudence tentent de se frayer un chemin jusqu’au quotidien Karen difficilement domptable.

Le weekend dernier devait être marqué par un événement de taille : la fête des femmes. Tous les ans, environ 300 femmes Karens de la région se regroupent fin mars dans un village. C’est l’occasion de se retrouver sans maris et enfants (ouf !), d’exposer le dynamisme de son village, et d’échanger en profondeur sur des sujets de vie quotidienne.

Cette année, c’est Maewe qui était chargé d’accueillir ce bel événement les 27, 28 et 29 mars. Aussi tout le village s’y prépare depuis plus d’un mois. De nombreux bambous ont quitté la forêt afin de se voir transformés en assiettes, verres et couverts !

La scène du village a revêtu un décor unique, semblable à un véritable village, devant accueillir sketchs, danses et enseignements. Et qui dit sketchs, et danses, dit répétitions ! Elles furent nombreuses, et rythmèrent ce dernier mois, à la plus grande joie des enfants qui admirèrent leurs parents jouer la comédie sur scène.

Vous l’aurez compris, c’est avec un grand sérieux que le village se préparait à vivre ces quelques jours. C’est donc avec tristesse que nous avons dû annuler ces jours de fête au vu de l’évolution récente de la situation sanitaire en Thaïlande. Le pays est loin d’être aussi touché que la France, mais tout rassemblement de plus de 50 personnes est dorénavant interdit.

Mais il n’est pas question de ne rien faire ! Le vendredi 27 au soir étaient prévus un chemin de croix, ainsi qu’une procession mariale, deux prières auxquelles les Karens sont très attachés.

Un chemin de croix classique était impensable car il aurait réuni les 200 villageois de Mae Woei en un même endroit. Aussi le chef du village, Philipa, et le catéchiste, Djépopa, ont installé des haut-parleurs autour de l’Eglise. C’est ainsi que le chemin de croix a bien eu lieu : seuls le Père Alain, Philipa, Djépopa et un séminariste sont entrés dans l’église. Puis dans les rues désertes du village ont résonné les chants et méditations, que chacun suivit avec joie depuis chez soi, en famille.

De même la procession mariale telle qu’elle avait été pensée n’a pas pu avoir lieu… Mais là où des difficultés se présentent, l’homme invente ! Quatre lieux ont été définis dans le village. Et la vierge est venue dans la nuit retrouver les Karens qui l’attendaient patiemment, masqués et inquiets, aux quatre coins du village. Chacun s’est avancé pour avaler la tant attendue petite gorgée d’eau de Lourdes, puis a déposé ses intentions en une bougie aux pieds de la vierge.

L’homme invente, et le karen chante : de beaux chants à Marie irradièrent le silence de la nuit durant cette soirée de recueillement. C’est sur une note d’espérance que cette veillée inédite a ouvert le confinement karen. La vie change, la vie continue… et l’homme la chante !

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